Doctorow: Cette histoire est tirée du nouveau recueil de Cory Doctorow, "With a Little Help". Visitez craphound.com/walh pour acheter le l'audio-livre entier sur CD, un exemplaire de poche avec un choix de 4 couvertures, ou une version reliée en tirage très limité. Cette histoire, et tout le texte de "With a Little Help", sont sous une licence Creative Commons Attribution de la paternité, partage à l'identique, utilisation non commerciale. Copiez-la, partagez-la, remêlez-la. Comme disait Woody Guthrie: "Cette chanson est protégée aux USA sous le sceau de copyright No 154085 pour une durée de 28 ans, et quiconque sera pris à la chanter sans notre autorisation sera un sacré pote pour nous, parce que nous nous en fichons. Publiez la, écrivez-la, chantez-la, dansez dessus, yodelez-la. Nous l'avons écrite, et c'est tout ce que nous voulions faire. Wheaton: Scroogled (EnGooglés) de Cory Doctorow. Publication originale: Radar Mazine, septembre 2007 Lu par Will Wheaton. [les sous-titres de l'histoire sont adaptés de la traduction de Valérie Peugeot, Hervé Le Crosnier et Nicolas Taffin en http://cfeditions.com/scroogled/] "Qu'on me donne six lignes écrites de la main du plus honnête homme, j'y trouverai de quoi le faire pendre" Cardinal Richelieu Greg atterrit à l'aéroport international de San Francisco à 20 heures, mais il était minuit passé quand arriva son tour aux services de douane. C'était bien allé: Il avait voyagé en première classe, avait débarqué le premier. doré comme un pti't Lu, mal rasé, détendu après un mois à la plage de Cabo (3 jours de plongée par semaine, les autres consacrés à draguer les étudiantes françaises). Quand il avait quitté la ville un mois plus tôt, il était une ruine ventripotente aux épaules affaissées. Maintenant il ressemblait à un dieu grec, et s'attirait les regards admiratifs de l'équipage à l'avant de la cabine. Quatre heures plus tard, dans la file d'attente des douanes, il était revenu à sa condition de simple mortel. Son état légèrement euphorique avait disparu, la sueur courrait le long de la raie de ses fesses, ses épaules et sa nuque étaient si tendus que le haut de son dos ressemblait à une raquette de tennis. La batterie de son iPod était morte après 3 heures, le laissant inactif, réduit à tendre l'oreille vers ce que disait le couple d'âge moyen qui se tenait devant lui. "Ils ont commencé à nous googler à la frontière", elle dit. "Je t'avais dit qu'ils le feraient." "Je croyais que ça ne commençait que le mois prochain ?" L'homme avait pris l'avion avec un énorme sombrero, l'avait soigneusement rangé dans le compartiment bagages à main, et maintenant, embarrassé, il alternait entre le porter sur la tête et le tenir à la main. Se faire Googliser à la frontière ! Dingue ! Greg avait quitté Google six mois plus tôt, transformant ses stock-options en cash et "prenant un peu de temps pour lui", ce qui s'était avéré plus difficile qu'il ne l'espérait. Pour l'essentiel il avait les 5 mois suivants à réparer les ordinateurs et les sites de ses amis, à regarder la télé de jour, et à prendre 5 kilos, qu'il attribua au fait de rester à la maison au lieu d'être dans le Googleplex, avec son excellente salle de gym ouverte 24 heures sur 24. C'était prévisible. Google avait toute une patrouille de juristes chargés de traiter avec les gouvernements du monde, et des lobbyistes pourris au Capitole pour tâcher d'empêcher que la loi fassent d'eux le meilleur mouchard du monde. C'était une bataille perdue. Le gouvernement US avait dépensé 15 milllards de dollars pour un programme d'enregistrement des empreintes digitales et des portraits des visiteurs à la frontière, et n'avait pas intercepté un seul terroriste. Clairement, le secteur public n'était pas équipé "Pour Bien Chercher". Les officiers du DHS (Sûreté Intérieure) avaient les yeux cernés et louchaient sur leurs écrans, tapant avec méfiance sur leurs claviers avec des doigts boudinés. Pas étonnant que ça prenne 4 heures pour sortir de ce foutu aéroport. « 'soir », dit Greg, en tendant à l'homme son passeport poisseux de sueur. L'officier grommela, l'essuya, puis fixa son écran, en tapant. Tapant beaucoup. Un peu de nourriture séchée était restée accrochée au coin de sa bouche, il tira la langue et la lécha en se concentrant. "Pouvez-vous me parler de Juin 1998 ?" Greg se tourna, regarda à droite et à gauche. "Pardon"? « Vous avez envoyé un message à alt.burningman le 17 Juin 1998, concernant votre projet de participer à un festival. Et vous y avez demandé "Les champis, sont-ils vraiment une mauvaise idée ?" » « Vous avez envoyé un message à alt.burningman le 17 Juin 1998, concernant votre projet de participer à Burning Man. Et vous y avez demandé 'Les champis, sont-ils vraiment une mauvaise idée ?' " Il était 3 heures du matin quand ils le laissèrent enfin sortir de la salle "de contrôle complémentaire". L'interrogateur était un homme plus âgé, tellement maigre qu'on aurait dit qu'il était sculpté dans du bois. Ses questions allaient bien au delà des champis à Burning Man. Elles marquaient juste le début des problèmes de Greg. "Parlez-moi de vos passe-temps. Êtes-vous versé dans les modèles réduits de fusées ?" "Quoi ?" "Les modèles réduits de fusées". "Non", dit Greg, "Non, pas du tout", pensant à tous les explosifs dont les passionnés de modèles réduits de fusées s'entouraient. L'homme saisit une note, cliqua encore un peu. "Voyez-vous, je demande ça parce que je vois s'afficher de nombreuses publicités pour du matériel pour les modèles réduits de fusées à côté de vos résultats de recherche et de vos mails Google". Greg sentit un noeud à l'estomac. "Vous êtes en train de regarder mes recherches internet et mes mails?" Il n'avait pas approché un clavier depuis un mois, mais il savait que ce qu'on saisit dans une barre de recherche est bien plus intime que ce qu'on raconte à un confesseur. Il avait vu assez de recherches pour le savoir. calmez-vous, s'il vous plaît. Non je ne suis pas en train de regarder dans vos recherches." L'homme fit une grimace aigre et continua, d'une voix grinçante: "Ce serait inconstitutionnel. Vous ne m'avez pas écouté Nous regardons uniquement les publicités qui s'affichent quand vous lisez vos mails ou effectuez vos recherches. J'ai une brochure qui explique tout ça, je vous la donnerai quand nous en aurons fini." Mais les publicité ne veulent rien dire », déglutit Greg. « Je reçois des publicités pour les sonneries de téléphone Ann Coulter chaque fois que je reçois un e-mail de mon ami qui vit à Coulter, dans l'Iowa!" L'homme opina. « je comprends, monsieur. Et c'est pourquoi je suis en train de vous parler, au lieu de seulement regarder cet écran. A votre avis, pourquoi les maquettes de fusées apparaissent-elles aussi fréquemment pour vous?" Greg réfléchit un moment. " Ok, alors faites ceci: Entrez dans Google et cherchez 'amateurs de café, d'accord?" Il avait été très actif dans ce groupe, et les avait aidé à construire leur site d'abonnement au café du mois". Ils avaient nommé "kérosène" le mélange de café dont ils préparaient le lancement. "Kérosène" et "lancement" c'ètait probablement ça qui poussait Google à dégueuler les pubs pour les modèles réduits de fusées. Pas qu'il puisse le savoir: il avait bloqué toutes les pubs dans son navigateurs. Ils étaient presque au bout quand quand l'homme au visage de sculpture découvrit les photos de Halloween. Elles étaient enterrées trois écrans plus loin dans la liste des résultats de la recherche "Greg Lupinski", et Greg ne les avait pas remarquées. "C'était une soirée costumée, sur le thème de la guerre du Golfe," dit-il. "dans le Castro," "Et vous étiez déguisé en...?" " En kamikaze." Rien que prononcer les mots l'avaient rendu nerveux, comme si les prononcer ferait sortir les menottes. "Venez donc avec moi, M. Lupinski." La fouille dura longtemps. Ils lui firent des frottis dans des parties du corps qu'il ignorait avoir. Il demanda quelque chose sur un avocat. Ils lui dirent qu'il pourrait appeler tous les avocats qu'il voudrait quand il serait sorti de la zone stérile de la douane. "Bonne nuit, M. Lupinski." C'était un nouvel interrogateur, un homme qui voulait savoir pourquoi il s'était enquis de la certification de spécialiste tant en plongée de nuit qu'en plongée profonde auprès de l'instructeur PADI à Cabo. Le type sous-entendait que Greg s'était entraîné pour devenir un homme-grenouille d'Al Qaida, et ne semblait pas croire que Greg avait juste voulu passer tous les certificats qu'il pouvait, pratiquant la plongée comme tout ce qu'il pratiquait: à fond. Mais maintenant, l'homme avec la fixation des hommes grenouilles lui souhaitait bonne nuit et le laissait partir de la zone de contrôle complémentaire. Ses valises étaient les seules sur le tapis tournant des bagages. En les soulevant, il vit qu'elles avaient été ouvertes et refermées à la va vite. Certains de ses habits dépassaient des bords. En rentrant chez lui, il s'aperçut que toutes ses imitations de statues précolombiennes avaient été brisées et que sa chemise de coton blanc mexicaine - pliée par la dame de la buanderie - était marquée d'une empreinte de botte au milieu. Ses vêtements ne sentaient plus le Mexique. Ils sentaient l'aéroport et l'huile pour machines. Le facteur avait laissé toute une caisse de courrier chez lui ce jour-là, mais il ne pouvait même pas commencer à penser à y faire face. Tout ce à quoi il réussissait à penser, tandis que le soleil se levait au dessus de la Mission, ravivant les couleurs des maisons victoriennes qu'on appelait "dames peintes, c'était à ce qu'être googlé signifiait. Il n'était pas question de dormir. Il avait besoin de parler de tout ça. Il n'y avait qu'une personne avec qui il pourrait parler. Et par chance, elle était généralement réveillée vers cette heure. Maya avait commencé à travailler chez Google deux ans après Greg, mais avait obtenu une part d'actions bien plus grande que lui. Elle savait exactement ce qu'elle en ferait, une fois qu'elle les aurait vendues: emmener ses chiens et sa petite amie à Florence, pour toujours. Apprendre l'italien, faire les musées, s'asseoir dans les cafés. C'était elle qui l'avait convaincu de partir au Mexique "'importe-où," elle avait dit, n'importe où, où il pourrait rebooter son existence. Maya avait deux énormes labradors chocolat et une petite amie très très patiente qui pouvait tout supporter excepté d'être traînée autour du Parc Dolores à 6 heures du matin par cent soixante dix kilos de chiens baveux. Elle saisit son spray anti-agresseurs quand il s'approcha d'elle en jogguant, puis se reprit et ouvrit les bras, lâchant les laisses et les coinçant d'un pied, un geste bien rôdé. "Oû est le reste de toi? Mec, t'es kiffant!" Il accepta l'étreinte, soudain embarrassé de son odeur particulière après une nuit entière de Googling intrusif. "Maya," dit il, "que sais-tu du DHS?" Elle se raidit et les chiens pleurnichèrent.Elle regarda à droite et à gauche puis d'un geste du menton, désigna les courts de tennis. "En haut du réverbère là-bas. Ne regarde pas. C'est un de nos points d'accès wifi municipaux, . équipés d'une webcam grand angle. Tourne-lui le dos quand tu parles. Ils lisent sur les lèvres." Il décoda ça lentement. Le programme de WIFI municipal gratuit était un succès dans toutes les villes où il était actif, et dans une vision globale, ça n'avait pas couté cher de mettre des points d'accès WIFI sur les réverbères et autres poteaux électiviés des villes. Surtout en comparaison avec la possibilité de montrer aux gens des pubs basées sur le lieu où ils se trouvaient. Greg n'avait pas vraiment fait attention quand on avait avait rendu publiques les caméras. sur tous ces points d'accès. Il y avait bien eu une tempête d'un jour sur les blogs, tandis que les gens revisitaient les rues de leur enfance ou parcouraient les trottoirs à prostituées, identifiant les toilettes, mais très vite l'excitation était retombée. Maintenant il se sentait - observé. Se sentant idiot, il serra les lèvres et murmura: "Tu te fiches de moi." "Viens avec moi", elle dit, tournant carrément le dos au réverbère. Les chiens n'étaient pas contents d'écourter leur promenade et exprimaient leur contrariété dans la cuisine pendant que Maya préparait un café pour eux - aboyant, cognant et secouant la table. Laurie, l'amie de Maya, appela depuis la chambre à coucher et Maya retourna lui parler, puis ressorti, l'air agité. "Ça a commencé en Chine," elle dit. "Quand nous avons déplacé nos serveurs sur le continent, ils sont tombés sous la jurisdiction chinoise. Ils pouvaient googler n'importe qui à travers nos serveurs." Greg savait ce que ça voulait dire: si tu visitais une page avec des pubs Google, si tu utilisais Google maps, ou Google mail - même si tu envoyais des mails à un compte gmail - Google recueillait tes informations, pour toujours. "Ils nous utilisaient pour élaborer les profils des gens. Pas pour les arrêter, tu comprends. Mais quand ils avaient quelqu'un qu'ils voulaient arrêter, ils venaient chez nous pour avoir un profil et trouver un motif pour les écrouer. Il n'y a pratiquement rien qu'on puisse faire sur le Net qui ne soit pas illégal en Chine." Greg secoua la tête. "Pourquoi ont-ils mis les serveurs en Chine?" "Le gouvernement avait dit qu'il les bloquerait autrement. Et Yahoo était là." Ils grimacèrent tout deux. A un moment donné, Google était devenu obsédé par Yahoo, plus préoccupés par ce que faisait la concurrence que par leur propre efficacité. "Alors nous l'avons fait. Mais beaucoup d'entre nous n'aimaient pas l'idée." Elle but une gorgée de café et baissa le ton. Un des chiens gémit. "J'en ai fait mon projet 20%". Les Googlers étaient censés consacrer 20% de leur temps à des projets "blue sky", sans but commercial. "Moi et mon équipe. Nous l'appelons "googlenettoyeur". Il plonge profondément dans la banque de données et, statistiquement, il te normalise. Tes recherches, tes histogrammes gmail, tes habitudes de navigation en ligne. Tout." "Les pubs des recherches?" "Ah," elle fit la grmace. "You, le DHS. Nous avons négocié un compromis avec le DHS. Ils ont arrêteraient de demander de pêcher dans nos enregistrements de recherche et nous les laisserions regarder les publicités affichées dans les écrans des utilisateurs." Greg se sentait mal. "Pourquoi? Ne me dis pas que Yahoo! le faisait déjà... " "Non, non. Enfin oui, bien entendu. Yahoo! le faisait, mais ce n'était paspour ça. Tu sais que les Républicains détestent Google. La plupart d'entre nous sont inscrit au parti démocrates, alors nous avons fait tout ce que nous pouvions pour faire la paix avec eux avant qu'ils ne nous dézinguent. Ce ne sont pas des I.P.I. - Informations personnellement identifiables, la fumée toxique à l'ère de l'information". Ce sont juste des métadonnées. C'est seulement un peu mal." "Si c'est tellement innocent, pourquoi tout ce cirque de conspiration?" Elle soupira et étreignit le labrador qui la poussait avec sa grosse tête en forme d'enclume. "Leurs agents sont comme des morpions. Une fois que nous les avons laissé entrer, tout est soudain devenu beaucoup plus - secret. Ils vont partout. Dans certaines de nos réunions, ils doivent être présents. On se croirait dans un ministère soviétique, avec un fonctionnaire politique toujours là, observant tout. Quant au contrôle de sécurité, maintenant nous sommes répartis en deux camps. Les acceptés et les suspects. Nous savons tous qui n'est pas accepté, mais personne ne sait pourquoi. Je suis acceptée. Heureusement pour moi, être lesbienne ne vous disqualifie plus de l'accès aux conneries secrètes. . Aucune personne acceptée par le contrôle ne daignerait déjeuner avec quelqu'un qui ne peut pas être accepté. Et de temps en temps, un de tes co-équipiers. est retiré de ton projet 'pour des raisons de sécurité', quoi que ça puisse signifier." Greg se sentait très fatigué. "Alors j'ai eu de la chance d'être sorti vivant de l'aéroport. J'aurais pu finir à Guantanamo si ça s'était mal passé, je suppose?" Maya le regardait intensément, ses yeux sautant de gauche à droite. Il attendit, mais elle ne dit rien. "Qu'est ce qu'il y a?" "Je vais te confier un truc, mais jure moi de ne jamais le répéter, OK?" "Hmm, OK? tu ne vas pas me dire que tu es une kamikaze d'Al Qaida incognito?" "Pas si simple. Voilà le truc : la surveillance du DHS dans les aéroports n'est rien qu'un premier tri. Cela permet aux agents d'affiner leurs critères de recherche. Une fois que tu as été retenu pour un interrogatoire complémentaire à la frontière, tu rentres dans la catégorie "personne intéressante" - et ils ne te lâchent plus jamais. Il vont passer en revue les webcams à la recherche de ton visage et de ta démarche . Il vont lire ton courrier, il vont enregistrer tes recherches en ligne. "Je croyais que tu avais dit que la justice ne les laisserait pas..." "Les tribunaux ne les laisseront pas te Googliser tout azimut. Mais une fois que tu es dans le système, cela devient une recherche sélective... c'est tout à fait légal. Et quand ils commencent à te Googliser, ils finissent toujours par trouver quelque chose." "Tu veux dire qu'ils ont une chaufferie de ménagères du Midwest qui lisent les e-mails de tous ceux qui ont été examinés une seconde fois à la frontière? Ça a l'air du job le plus merdique du monde." "Si seulement.Non, rien de tout ça n'est touché par des mains humaines. Toutes tes données finissent dans une grosse trémie qui recherche des "motifs de suspicion" et peu à peu élabore un acte d'accusation contre toi, en utilisant la déviation par rapport aux normes statistiques pour prouver que tu es coupable de quelque chose. C'est juste une variante de notre méthode pour identifier les spammers de recherches - les 'optimisateurs' qui ont essayé de pousser leurs escroqueries viagra et jeux de l'avion au début des résultats de recherche - mais au lieu d'abaisser ton rang de recherche, nous augmentons ta possibilité d'être envoyé en Syrie. Et évidemment, ils nous googlisent tous, chaque personne qui travaille sur quelque chose de 'sensible'." "Evidemment," dit Greg. Il avait l'impression qu'il allait vomir. Il n'avait plus envie d'utiliser un moteur de recherche, jamais plus. "Mais putain, comment une chose pareille a pu arriver? Google était plutôt sympa. 'Don't be evil', n'est-ce pas?" C'était le slogan de l'entreprise, et pour Greg, cela avait été une de ses motivations principales pour se présenter directement chez Google dès qu'il avait obtenu son doctorat en informatique à Stanford. Le rire de Maya était amer et cynique.."'Don't be evil'? allons Greg. Tu as oublié comment c'était quand nous avons commencé à censurer les résultats des recherches en Chine, et nous avons tous demandé comment cela ne pouvait pas être mal? La ligne officielle de la compagnie était à se tordre: "Nous ne faisons pas le mal - nous leur offrons l'accès à un meilleur instrument de recherche! Si nous leur montrions des résultats de recherche hors de leur portée, cela serait seulement frustrant pour eux. Ce serait une mauvaise expérience d'utilisateur. Si nous n'avions pas encore perdu notre médaille 'don't be evil' alors, nous l'avons certainement perdue quand nous avons fait ça." "Que faire, maintenant?" Greg repoussa le chien. Maya eu l'air blessée. "Maintenant tu es une 'personne intéressante', Greg. Pris en filature par Google. Maintenant du dois vivre ta vie en ayant quelqu'un qui surveille ce que tu fais par dessus ton épaule, tout le temps. Tu connais la déclaration de mission, n'est ce pas? 'Organiser toute la connaissance humaine'. Ça veut dire tout. Donne nous cinq ans et nous saurons combien il y avait d'étrons dans la cuvette avant que tu ne tires la chasse. Combine ça avec la suspicion automatisée de quiconque colle avec le portrait statistique d'un méchant et tu es... " "Engooglé." "Complètement". "Merci, Maya", dit-il. "Merci quand même." "Assieds-toi", dit elle. Le chien qui lui avait cogné les jambes recommençait. Maya emmena les deux chiens le long du couloir en direction de la chambre. Il entendit une discussion étouffée avec sa compagne. Elle revint sans les chiens. "Je peux arranger ça », dit-elle, si bas que c'était presque un murmure. "Je peux te googlenettoyer." "Mais tu es sous constante surveillance..." "...des agents du DHS. . Après qu'ils ont saqué tous les Américains immigrés du DHS, il est devenu beaucoup plus gros et plus stupide. Je peux te googlenettoyer, Greg." "Je ne veux pas te créer d'ennuis." Elle secoua la tête. "Je suis déjà condamnée. J'ai élaboré le Googlenettoyeur. Chaque jour après ça a été un sursis - maintenant ce n'est plus qu'une question de temps jusqu'à ce que quelqu'un signale mon expertise et mon histoire au DHS et alors... je ne sais pas. Quoi que ce soit qu'ils font aux gens comme moi dans la Guerre contre les Noms Abstraits." Greg se rappela l'aéroport. La fouille. Sa chemise, avec l'empreinte de la botte au beau milieu. "Vas-y," dit-il. Les pubs étaient bizarres. Depuis des années, il n'y faisait pas vraiment attention. Le bloqueur les éliminait presque toutes, mais Google changeait son code assez souvent pour que leurs petites annonces textuelles apparaissent dans beaucoup de ses pages. La plupart restaient subliminales. Seuls les vrais ratages comme cette sonnerie Ann Coulter avaient franchi ses yeux pour arriver à son cerveau. Maintenant les ratages étaient partout: Preuves du Créationisme, Diplôme de Séminaire en Ligne, Avenir sans Terrorisme, Logiciel Anti-Porno, Homosexualité et Satan. Il cliqua sur quelques unes de ces pubs et se trouva dans une sorte d'internet d'un univers alternatif, plein d'opinions bizarres sur les maux de l'homosexualité, la certitude de la jeune terre, le besoin d'éternelle vigilance nationale. Puis il commença à remarquer quelque chose de bizarre dans les résultats mêmes des recherches. Après avoir défait sa valise et ouvert ses courriels, il passa deux semaines à la maison assis sur son cul, à surfer. Sa bedaine pré-Mexique réapparaissant, il décida de faire quelque chose contre. Pas de burritos à déjeuner aujourd'hui - il irait à ce restaurant holistique dont Maya lui avait parlé. La cuisine strictement végétarienne pauvre en gras ne pouvait pas être aussi dégueulasse que sa définition. "Tu voulais peut-être dire 'Restaurants hongrois'?" Il grogna. Non, il volait dire 'restaurant holistiques,' imbécile d'un moteur de recherche. Ça l'enquiquinait. Il appela sa chronologie de recherches et remonta dans les résultats, imprimant les pages. Puis il sortit de son compte Google, et refit les mêmes recherches, comparant les résultats avec les pages de quand il était dans son compte. Les différences étaient frappantes. Une recherche d' 'élection primaire démocrate' menait à des tirades contre Hillary dans des blogs furieux quand il était dans son compte, et à des informations sur le bénévolat pour la CND autrement. Chercher "clinique d'avortement" sans entrer dans son compte donnait le centre de planning familial le plus proche; dans son compte, il recevait des informations sur la Campagne pour la Vie, ProLife.com et l'alliance ProLife. Heureusement qu'il n'était pas enceint. C'était l'effet du googlenettoyeur de Maya. Comme les histoires des gens qui demandaient à leur magnétoscope TiVo d'enregistrer un épisode de "Queer Eye" et se retrouvaient inondés de suggestions d'autres "émissions gay" - "Mon TiVo croit que je suis gay" disait le titre d'un article qu'il se rappelait. Google avait commencé à expérimenter les résultats "personnalisés" de recherche avant qu'il parte à l'étranger - et voilà ce que ça donnait, dans toute sa gloire. Google pensait qu'il était un républicain chrétien conservateur qui soutenait la Guerre contre le Terrorisme et beaucoup d'autres noms abstraits. Il sortit de son compte Google - c'était simple. Après 5 minutes, il y rentra de nouveau. Toutes ses adresses y étaient, Il ressortit. Rentra. Son agenda - quand était l'anniversaire de mariage de ses parents, déjà? Ressortit. Rentra. Il avait besoin de ses signets Google Maps. Ressortit. Il renonça. Google était l'endroit de ses amitiés - tous ses gens avec qui il restait en contact par Orkut. C'était l'endroit de toutes ses relations: tous ses courriels archivés, toutes ces adresses de aon carnet d'adresses. C'était ses photos de famille, ses signets. Merde, la chronologie de ses recherches - la vraie - était comme un cerveau hors-bord, mémorisant les parties de l'insondable internet qui lui tenaient à coeur, de sorte qu'il n'avait pas besoin de se le rappeler de la façon difficile, avec la viande dans son crâne. Google avait une copie de lui - de toutes les parties de lui qui naviguaient le monde et des gens qui s'y trouvaient. Google possédait cette copie, et sans elle, il ne pouvait plus être lui-même. Pas d'autre choix que de rester dans son compte. Greg frappa les clés du laptop à côté de son lit, allumant l'écran. Il loucha sur l'horloge de la barre des outils: 4:13 du matin! Merde, qui frappait à sa porte à une heure pareille? Il cria « J'arrive ! » d'une voix embrumée et enfila robe de chambre et pantougles. Il traîna des pieds dans le couloir, allumant les lumières au fur et à mesure. Arrivé à la porte, il regarda par le judas pour y découvrir - Maya. Il enleva la chaîne, tira le verrou et ouvrit la porte. Maya se précipita à l'intérieur, passant devant lui, suivie par les chiens, suivie par sa petite amie Laurie, qu'il avait vue pour la dernière fois à une fête de Noël chez Google, avec une fabuleuse robe de cocktai et une coiffure compliquée. Maintenant, elle portait portant une veste de survêtement "Google Summer of Code" gratuite, des jeans, le visage froncé des sourcils jusqu'au menton. Maya brillait de sueur, ses cheveux collaient à son front. Elle se frotta les yeux, qui étaient tout rouges et pochés. "Fais ton sac" coassa-t-elle d'une voix rauque. "Quoi?" "Tout ce dont tu ne peux pas te passer. Quelques habits de rechange. Les choses auxquelles tu es sentimentalement attaché - boîtes de photos, le rasoir de ton grand-père, ces trucs. Mais limite-toi à ce que tu peux porter. Nous voyagerons léger." "Maya, qu'est-ce que tu...* Elle le prit par les épaules. "Fais. Le," elle dit. "Ne pose pas de questions maintenant. On n'a pas le temps." "Où veux-tu..." "Au Mexique probablement. Je ne sais pas encore. Fais donc ton putain de sac." Elle lui passa devant, alla dans sa chambre et commença à ouvrir les tiroirs. à vider le contenu des tiroirs. "Maya", dit-il fermement, "je ne vais nulle part tant que tu ne me dis pas ce qui se passe ." Elle le fixa et repoussa les cheveux de son visage. « le Googlenettoyeur est vivant. Je l'ai éteint et je suis partie après t'avoir fait. C'était trop dangereux de continuer à l'utiliser. Mais je reçois encore des alertes quand des gens en signalent des bogues, Je suis encore en B en tant que propriétaire du projet. Quelqu'un a signalé 8 bogues cette semaine. Quelqu'un l'a utilisé 6 fois pour trafiquer 6 comptes très spécifiques." "Qui est-ce qui l'utilise?" "Bon, je te donne un indice. Voici ceux qui ont été nettoyés cette semaine..." Elle énuméra 6 candidats, 4 républicains et deux démocrates, qui participaient tous aux élections primaires. "Les Googlers font du noircissement de candidats politiques?" "Pas les Googlers, Tout ça vient de l'extérieur. Le bloc IP est enregistré à Washington. Et tous les IP sont aussi utilisé par des utilisateurs de Gmail. Et ces utilisateurs Gmail..." "Tu as espionné des comptes gmail?" "Je pars dans deux minutes, avec ou sans toi. Tu peux m'interrompre avec des questions, ou tu peux écouter." Elle lui lança un autre regard. Laura se tenait sur le pas de la porte de la chambre à coucher, tenant les chiens par leurs colliers, les yeux rivés au sol. "Bon. OK. Oui. J'ai espionné leurs e-mails. bien sûr. Tout le monde le fait de temps à autre, et pour des raisons bien pires que les miennes. "C'est notre boîte de lobbying. Ceux qui avaient monté la campagne des vétérans contre Kerry. Tu t'en souviens? Quand nous les avons engagés, ça puait, mais Google ne pouvait pas se permettre de rester 'cette compagnie pleine d'inscrits au parti démocrate" pour toujours. Il nous fallait des amis au Congrès. Ces mecs pouvaient le faire pour nous." "Mais ils ruinent les carrières de politiciens!" "Ouais, bien sûr. Et qui est-ce qui en profite?" Laurie parla, finalement. "D'autres politiciens." Greg sentit son sang battre dans ses tempes. "Nous devrions en parler à quelqu'un." "Ouais," dit Maya. "Comment? Ils savent tout de nous. Ils peuvent voir chacune de nos recherches. Chaque e-mail. Chaque fois qu'ils nous ont choppé avec leurs webcams. Qui est dans notre réseau social... Sais-tu que si tu as plus de quinze contacts Orkut, il est statistiquement certain que tu n'es pas à plus de trois degrés de quelqu'un qui a participé au financement d'une cause 'terroriste'? Tu te souviens de l'aéroport? Imagine bien pire que ça." "Maya," dit-il, pesant ses mots. "Je crois que tu exagères. Tu n'as pas besoin d'aller au Mexique. Tu peux juste démissionner. Nous pouvons commencer une start-up ensemble, ou autre chose. Ou tu peux déménager à la campagne et élever des chiens. N'importe quoi. C'est dingue...." "Ils sont venus me voir aujourd'hui," dit-elle. "Au boulot. Deux des officiers politiques ... les gardiens qui surveillent nos projets sensibles. Et ils m'ont posé un tas de questions très lourdes." "A propos du Googlenettoyeur?" "A propos de mes amis et de ma famille. De l'historique de mes recherches. De mes convictions politiques." "Bon dieu." "Ils m'envoyaient un message. Ils me faisaient savoir qu'ils m'avaient ciblée. Ils surveillent chacun de mes clics et chacune de mes recherches. Il est temps de partir... de sortir de leur ligne de tir." "Il y a un bureau de Google au Mexique, tu sais." "Tu viens, Greg? Nous partons maintenant." "Laurie, qu'est-ce que tu en penses?" Laurie tapa les chiens entre les épaules. "Maya m'a montré ce que Google sait de moi. C'est comme s'il y avait un petit moi là dedans, une copie de moi. Comme si j'étais coincée sous un pot de verre avec une boulette d'éther. Mes parents ont quitté l'Allemagne de l'Est en 65. Ils me parlaient souvent de la Stasi. La police secrète mettait tout ce qu'elle savait sur vous dans un fichier, même les blagues anti-patriotiques, Ces derniers temps, je me sens... observée. Tout le temps. Comme si je ne pouvais pas vivre sans laisser une piste. Comme si j'émettais un nuage de données qui ne peut pas être éliminé." "Nous partons maintenant, Greg. Maintenant. Tu viens?" Greg regarda les chiens. "Il me reste quelques pesos," dit-il. "Prends les. Fais attention, d'accord?" Elle semblait prête à le frapper. Puis elle se radoucit et l'étreignit violemment. "Fais attention toi aussi," elle lui murmura à l'oreille.